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Mémoires de Brandes, auteur et comédien allemand; avec une notice concernant cet acteur, el placée en tête des mémoires d'Iffland. Tome premier. Paris: Ponthieu 1823. Chapitre III. S. 317-322.

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CHAPITRE III.

Franc-maçonnerie. – Nouveaux ouvrages. – Détails sur la censure. – Breslau.

Déjà depuis quelque temps deux loges de francs-maçons s'étaient établies à Dantzick. J'eus l'occasion de connaître quelques membres de ces sociétés. Je trouvai leur conversation agréable et instructive, et leur conduite irréprochable. Cela m'engagea à les prier de me faire admettre dans une de leurs loges. Comme on n'avait rien à dire contre ma conduite morale, on répondit bientôt à mes désirs; et, après avoir subi les épreuves d'usage, je fus reçu sans difficulté dans le premier degré de l'ordre.

Mais quelle fut ma surprise lorsque le lendemain du jour de ma réception, un héraut vint sur toutes les places publiques, et au coin <Seite 318:> de toutes les rues principales, proclamer au nom du gouvernement une défense conçue à peu près en ces termes: « Il existe une secte d'hommes connus sous le nom de francs-maçons, dont les réunions secrètes sont extrêmement suspectes. Ces réunions pouvant compromettre, de la manière la plus grave, le repos public et la tranquillité de l'état, le gouvernement défend absolument, et pour toujours, sous peine d'encourir la punition la plus sévère, toute espèce d'association pareille (1). » Cette mesure me parut tout-à-fait inconcevable. Si j'eusse été moins bien instruit, elle aurait pu me faire présumer que les maximes de mes nouveaux confrères devaient être dangereuses, et m'aurait fait suspendre toute relation avec eux. Mais à ma réception dans l'ordre, en m'indiquant les devoirs des maçons, on m'avait recommandé, comme vertus principales des <Seite 319:> adeptes, le respect de la religion, des lois, du gouvernement; la probité, l'amour du prochain et la bienfaisance. Sur ma demande, quelques membres marquans de la loge m'apprirent qu'ils avaient, depuis peu de temps, reçu dans leur ordre plusieurs conseillers et quelques ecclésiastiques; que cette admission avait sur-le-champ provoqué l'envie et la superstition à employer toutes leurs ressources pour détruire cette association, par un décret du conseil qu'elles étaient parvenues à se procurer; qu'en outre, plusieurs novices avaient été assez indiscrets et assez imprudens pour se vanter en public de certains avantages; que par là ils s'étaient rendus non seulement ridicules, mais même, en quelque sorte, aussi odieux. Ces circonstances réunies furent probablement les principaux motifs qui portèrent le gouvernement à proscrire une société dont il devait connaître l'importance.

Pendant notre séjour à Berlin, Stanislas-Auguste fut élu roi de Pologne. Pour célébrer cette élection, on représenta une pièce de ma composition, qui portait pour titre: Das verwaiste Danzig (Dantzick orphelin). A l'époque du couronnement, on donna une seconde pièce de moi, intitulée: Le Parnasse, <Seite 320:> ou les Muses triomphantes. Ces deux pièces avaient peu de valeur par elles-mêmes; mais, comme elles étaient de circonstance, elles firent une grande sensation dans le public, et j'en tirai un parti très avantageux en les faisant imprimer.

J'eus souvent occasion de remarquer que l'ignorance, les préjugés et la superstition avaient encore bien de la force, quoique beaucoup de bonnes têtes s'efforçassent d'étendre les progrès des lumières. C'est surtout dans la critique de ce qui est relatif aux belles-lettres et aux sciences que je rencontrai le plus d'entraves. C'est du moins ce que je trouvai dans l'homme chargé de la censure du théâtre. J'en citerai un seul exemple. On donnait la tragédie intitulée: Der Freigeist (l'Esprit fort), par Brawe. Je la portai au censeur pour la soumettre à son examen. Celui-ci fut particulièrement choqué du rôle principal, et effaça tout ce qui servait principalement à développer ce caractère, considérant ces passages comme autant de blasphèmes. Il me renvoya la pièce pitoyablement dénaturée, avec la permission de la représenter dans l'état où il l'avait mise. Je fus extrêmement surpris d'un procédé aussi singulier de la part <Seite 321:> d'un homme que je croyais beaucoup plus raisonnable. Je pris la pièce sur moi, et me rendis chez le président Gralath, qui, comme je le savais, avait des connaissances littéraires très étendues, et un goût très cultivé. Celui-ci connaissait l'ouvrage en question, témoigna son mécontentement par un mouvement de tête, et me rendit la pièce, en me disant que le censeur, probablement surchargé d'affaires, avait mis trop de précipitation dans son jugement sur cette tragédie, et que nous pouvions la représenter sous sa responsabilité, sans y apporter le moindre changement.

Après un séjour d'environ quatre mois, la troupe partit, au grand regret du public. Comme on ne pouvait pas compter à Königsberg sur des recettes considérables, à cause de l'incendie affreux qui l'avait désolé peu de temps auparavant, Schuch se rendit à Breslau par la Pologne. Nous y jouâmes pendant le reste de l'hiver; et, après avoir richement accru la caisse du théâtre, nous continuâmes, suivant l'usage, notre grand voyage pour Berlin.

Durant notre séjour à Breslau, Schuch fit un utile emploi de son argent, en achetant <Seite 322:> à Berlin une maison, derrière laquelle il fit bâtir un assez grand théâtre que nous trouvâmes prêt à notre arrivée.


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(1) Il n'y a pas long-temps que j'eus cette défense sévère entre les mains, près de trente-cinq ans après la promulgation. Je la trouvai chez mon ami le libraire et antiquaire Nieweg. Si je ne craignais de fatiguer plusieurs de mes lecteurs par la longueur de son contenu, je l'aurais volontiers insérée dans une note, parce qu'elle est vraiment singulière.


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