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SCENE II.
CLERDON, HENLEY.
Henley (avec chaleur)
Cette perfidie va trop loin... Cette méchanceté surpasse tout....
Vous me voyez, Clerdon, hors de moi-même... La colere... la surprise
m'empêchent de parler...
Clerdon. Vous m'effrayez...
D'où venez-vous; qu'avez-vous vu?
Henley. Une scene pleine d'horreur... d'indignité...
Tout mon sang se souleve quand je pense à ce qui vient de se passer... Je quitte
Grandville... La fureur étincelle dans vos yeux au nom de ce perfide....
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Oh puissiez-vous bientôt punir ce monstre comme il le mérite!.. Un moment après
qu'il vous a eu quitté, il est venu me trouver... Je passe sous silence les
propositions flateuses qu'il m'a faites; c'est la répétition de ce que contient
la lettre que vous avez vue. Il m'a avoué qu'il avoit été obligé, malgré lui, de
vous mener sa sœur, puisque malheureusement vous aviez appris trop-tôt qu'elle
étoit ici... que cependant il se flattoit qu'à force de protestations & de
caresses, il avoit dissipé tous vos soupçons, & endormi, pour me servir de ses
termes, votre bonhomie ordinaire.... Enfin, après bien des propos assaisonnés de
ce que la raillerie a de plus piquant & de plus amer sur votre situation actuelle,
& sur l'effet que produiroit
la vengeance qu'il médite contre vous, il m'a dit que la sûreté de ses desseins
exigeoit qu'il partît cette nuit avec sa sœur; qu'il falloit que je le suivisse;
que quand notre hymen auroit été accompli dans
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un lieu dont vous n'auriez pas connoissance, alors nous reviendrions ici vous braver,
vous faire sentir tous vos malheurs, & le désespoir de ne pouvoir plus les réparer....
Ces idées affreuses lui faisoient jetter des cris de joie...
Clerdon. Où l'avez-vous laissé?
Henley. A l'entrée de l'allée couverte de ce jardin,
où il alloit sans doute goûter....
(Clerdon sort furieux)
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