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SCENE V.
CLERDON seul.
Voilà donc la derniere fois que j'aurai encore joui de
la douceur de me voir aimé d'un homme! Dans l'avenir affreux qui m'attend, la haine sera mon
partage; je haïrai tout, je me haïrai moi-même, & tout me haïra... Pourquoi tardé-je encore à me jetter dans les
bras de la mort? Que fais-je sur une terre qui menace à chaque instant de s'ouvrir sous mes
pas?.. Cette lumiere dont la clarté m'épouvante... ces spectres qui errent devant mes yeux...
Quel épouvantable que soit le tourment qui m'attend, il ne peut l'être autant que ce brasier
dévorant, cette mort intérieure qui me déchirent... Insensé, quelle erreur!.. Qu'importe...
un pouvoir irrésistible m'entraîne vers l'abîme auquel je cherche en vain à échapper... Titre
odieux d'esprit fort,
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dont je fus autrefois si fier, que je te maudis maintenant! Puisse une horreur pareille
à celle que j'éprouve, être un jour la récompense de ceux qui t'ont inventé, qui les
premiers ont osé attacher de la gloire à se révolter contre l'Etre suprême. Criminels
insensés! funestes apôtres de la démence, puisse le juste Ciel vous faire rendre compte de
tous les infortunés que vous avez égarés! puisse le feu vengeur de l'Eternel tomber en
torrens sur vos têtes coupables!.. Comme tout se souleve & se confond dans moi! comme
mon ame frémit à l'approche du moment terrible!.. O sang de mon ami, tu vas être vengé...
J'entends ta voix qui m'appelle... Je vous comprends, tristes accens de la mort... Je me
hâte...
(il apperçoit Henley)
O horreur! Voilà celui qui m'a perdu!
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